samedi 23 février 2008

UN PARFUM...

UN PARFUM QUE L'ON N'OUBLIE PAS
C'était une petite boutique vert pale, une toute petite boutique remplie d'ombres, de mystères et de rêves. Au travers de la vitrine de la rue de la préfecture, on apercevait des éclats dorés et argentés. Des sacs de toile beige étaient affalés le long des murs. La plupart de ces sacs, montraient des coins étirés en longues oreilles de lapin.
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Devant des meubles à tiroirs et à portes basculantes, quelques uns éventrés par les manipulations, laissaient couler de grosses graines jaunâtres fendues. Il y avait là des trésors, et leurs provenances, inscrites sur la toile en lettres noires, avaient de quoi faire rêver. Tout l'imaginaire des histoires des conquistadors, des Mayas, des Aztèques, de l'Arabie et du Mozambique, était réuni la, à même le sol.
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Guère justifié ce détour que nous faisions régulièrement au sortir de la classe, pour se rendre à la maison. D'ailleurs, la plupart du temps, nous faisions le détour pour rien. Nous ne faisions que rêver devant la machine ventrue et luisante. On la distinguait à gauche du comptoir de bois rouge. La machine était ronde et plate, extérieurement noire, vernie de ce noir que l'on ne voit qu'au ventre des locomotives à vapeur d'autrefois. Un noir profond, plus noir que le noir.
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La cuve large ne tournait pas et l'intérieur était en cuivre rouge. Un vrai coucher de soleil emprisonné là, brillant et chaud. Nous rêvions devant ce soleil dont quelques rayons effleuraient les profondes truelles nickelées, et les cuillers de cuivre.
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Une fois par semaine, le vendredi je crois, la boutique du marchand de café remplissait vraiment sa fonction : Le marchand torréfiait ... Autant dire qu'il embaumait tout le quartier. C'était un vrai bonheur !
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Il y avait l'odeur du pain chaud, chez le boulanger. Le souvenir du four, quand on l'ouvrait, et, mêlée à l'odeur du pain, celle du poulet avec des pommes de terre nouvelles que ma mère avait apporté pour faire rôtir. Il y avait aussi l'odeur des pommes que l'on faisait cuire à la maison, dans le four de la cuisinière avec un peu de sucre et un copeau de cannelle. Il y avait aussi l'odeur de l'épicerie où se mélangeait poivre, vanille, miel et figues séchées.
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Mais le parfum du café, le jour où le marchand torréfiait ses graines était somptueux, enveloppant, subtil, capiteux. La place du palais et la rue de la préfecture, le vendredi après midi, embaumaient.
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Les badauds s'agglutinaient sur le trottoir pour voir la large cuve noire. La palette tournait, brassait les grains qui prenaient lentement des tons dorés puis bruns, s'assombrissaient progressivement pour virer presque jusqu'au noir. L'odeur du café fraîchement torréfié, maintenant encore, est pour moi parfum de souvenirs, de rêves et de délices.
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Tous les vendredi soir j'étais au rendez vous, devant la boutique du torréfacteur, si l'on n'était pas venu me chercher, je crois que je pourrais y être encore !
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Ségurano

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