mercredi 27 février 2008

LA SALLE DES VENTES

La porte n'est pas ouverte. Elle est entrouverte seulement. Il faut du temps pour que les yeux s'habituent à l'obscurité. Des masses informes luisent.
On devine des meubles, des tables, des chaises, des commodes et des fauteuils. Des bronzes et des cuivres imprécis reluisent un peu dans la pénombre.
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Au bout de quelques instants l’oeil s'est accommodé, on voit, accrochés aux murs, des lignées de portraits encadrés, et des gravures accrochées avec des punaises. Sur des étagères, devenues fragiles, s'alignent des bibelots en séries imprécises. C’est drôle, cela sent la poussière et le patchouli.
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On entre là comme dans une église. On parle peu, et à voix basse. On se déplace en glissant les pieds, comme on le faisait avec des patins de feutre sur un plancher bien ciré. Une commode Louis je ne sais plus, en bois de rose, marquetée, un vaisselier en ronce de noyer, brillant d'avoir été si bien ciré ...
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Lorsqu'on se fait un peu plus attentif, on s'aperçoit très vite que, parmi les quelques visiteurs, tous ne sont pas là pour les mêmes raisons. Il y a les professionnels, ceux qui sont là pour faire des affaires. Ils vont droit vers ce qui les intéresse.
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Et puis il y a les autres, les amateurs, ceux qui n'ont besoin de rien mais qui entrent là comme on entrerait dans un lieu saint. Ceux là sont respectueux, silencieux, sobres dans les gestes et dans les mouvements. Ils ne touchent rien, ils vont doucement mais leurs yeux sont partout.
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D'abord une vue d'ensemble, ensuite on va d'un objet à un autre, sans en oublier un. On ne touche pas. Sur une table est posé un sucrier de porcelaine avec une anse ébréchée. Tout prés, une machine à coudre à pédale Singer où il reste encore un bout fil de coton bleu à l'aiguille. Ce que l'on vient voir, ce sont ces objets qui conservent les stigmates de notre passé, ce sont les douceurs de nos nostalgies. On cherche là des témoins, des repères.
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On essaie aussi de se retrouver soi-même ... Il y a beaucoup de respect. C'est pour cela que l'on reste muet, que l'on n'ose rien toucher. Les amateurs sont souvent plus fébriles. Ils ne parviennent pas à cacher leurs émotions.... A la salle des ventes, c'est toujours son enfance que l'on achète. On vend des morceaux de souvenirs au plus offrant.
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" Aujourd'hui, il y avait de la dentelle et des doubles rideaux. Je n'ai rien acheté, mais si tu savais comme cela m'a rappelé la maison de tante Marie, celle qui offrait toujours des petits Lu avec deux carrés de chocolat ...
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Tu te souviens ?..."
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Ségurano

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