mardi 26 février 2008

LE MONUMENT AUX MORTS

" -Vous voyez, Monsieur, son nom est écrit, là, en plein milieu de la liste ", la vieille dame toute de noir vêtue m’apostropha en me prenant le bras. La vieille dame, petite et frêle, s’était approchée de moi sans bruit, sur la place de gravier ou se dressait le monument aux morts. Elle tenait dans sa main un cabas de toile cirée, un peu comme celui dont on se sert pour aller au marché.
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"- Ah ! Monsieur ! Il y en a des noms ! Le village a payé un lourd tribut, pendant la Guerre" me dit –elle en secouant la tête. "- Ca, c’est son nom à lui, et son prénom " en pointant du doigt la colonne de marbre gravée. Il y a eu des survivants, mais il n’en était pas.
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" - Ma grand mère m’a raconté, qu’au mois de novembre, le onze je crois, on allait presque tous à la messe. Sauf ceux qui, ne voulant pas mettre la pointe des pieds chez le curé, faisaient leur messe à eux, au bistrot d’à côté ! Mais ils s’endimanchaient tout de même. Ils partaient quand les cloches avaient sonné et ils rentraient à la maison en se joignant aux autres.
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Même le garde champêtre venait. Il se tenait debout, appuyé contre le mur, touchant la grande porte. Il y avait aussi tous les enfants du catéchisme. On tendait un drap noir à côté de l’autel, un drap noir avec des larmes d’argent. Il y avait le grand ostensoir doré, l’encensoir, le goupillon. Il y avait un catafalque au milieu de l’allée, recouvert du drapeau bleu, blanc rouge. Il y avait des couronnes de fleurs, barrées de rubans officiels sur lesquels on pouvait lire les regrets et les hommages, en lettres dorées.
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Le curé montait en chaire. Il avait mis ses ornements violets, comme pour la Semaine Sainte.
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La chorale paroissiale, la chorale chantait et l’harmonium les accompagnait. C’était avant... "
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La vieille dame esquiva un sourire forcé, s’essuya les yeux avec son mouchoir de dentelles blanches et repartit avec ses souvenirs.
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Ségurano

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