samedi 12 janvier 2008

LES PARPAINGS DE LA HONTE


Je ne travaille pas aujourd’hui. Je ne ferai rien, il fait froid, et il pleut à Nice. Les sculptures de la place Masséna ne semblent pas ressentir le mauvais temps. Je rentre chez moi à pieds. C’est fou ce que l’on peut voir lorsqu’on est à pieds. Les magnifiques fresques des maisons niçoises, une plaque de marbre contre un mur… Tiens, Napoléon Bonaparte a vécu ici ? Je ne le savais pas …Des blocs de parpaings alignés en quinconce dans une descente de garage prés du Port de Nice, à deux pas de la place Ile de Beauté. Tous étrangement hérissés les faisant en cela ressembler à des tombes, à un cimetière. En fait c’est une honteuse installation anti-SDF.
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Allez, comprendre l’infamie ? Ici on ne supporte pas que des personnes à ce point démunies doivent dormir dans la rue. Des personnes sans logement, prennent refuge dans cette pente qui sans doute les met tout juste à l’abri du vent et de la pluie. Alors ils ont pris des mesures, ils ont votés, et ils ont construit des blocs de parpaings de telle sorte qu’il soit absolument impossible de s’allonger d’aucune façon que ce soit.
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Quelle honte ! Je me demande combien cela a coûté aux propriétaires de faire venir les maçons, car ces gens-là, évidemment, ne savent pas manier eux-mêmes la truelle sans doute trop salissante. Combien de repas chauds peut-on acheter avec cet argent ? Combien de sandwichs peut-on offrir la main tendue ? Discuter un peu, juste une petite conversation qui donne un peu de chaleur.
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Dans cette abjecte brutalité, je pense au « Dépeupleur » de Samuel Beckett. Je pense à ce cylindre hachoir dans lequel croulent des humains qui ont à peine la place de se tenir debout les uns contre les autres, sans tout à fait se toucher. La température du cylindre sans cesse changeante, est conçue pour les harceler sans cesse. Les interstices laissés libres par les parpaings me font exactement penser à cela, ils sont l’augmentation de l’inconfort. Le ciment de cette descente de garage n’était pas assez dur comme cela sans doute.
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Les espaces que laissent les rangs de parpaings sont juste prévus pour que nul ne puisse s’y allonger. De ce garage entrent et sortent des voitures, qui elles, dorment au chaud. Les conducteurs s’accommodent, apparemment, de voir ces parpaings, dans les phares de leurs automobiles. Mais comment font-ils pour oublier à quoi servent ces parpaings ? Je ne manie généralement pas l’insulte, parce que je trouve qu’elle renseigne davantage à propos de celui qui la profère qu’à propos de celui qui la reçoit, mais là, c’est bien tout ce que ces gens méritent, ce sont des ignobles cloportes, d’abjectes vermines!
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Ségurano © Radioscopies ®
Rediffusion

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