samedi 1 décembre 2007

SARKO POLO


Et Sarko Polo s'en revint de Chine...

Si l’objectif était de rassurer, c’est plutôt raté. Le tableau dressé par le Président, hier soir, était pour le moins anxiogène. Voyoucratie et caisses vides, voilà à quoi se résumait tout d’un coup le pays. On se croyait revenu à l’époque des chauffeurs, ces bandes de brigands qui ont périodiquement ravagé la France, chaque fois que le pouvoir central s’est trouvé affaibli. Un pays ruiné, sous la menace permanente des malandrins, basanés de surcroît. Derrière l’écran plat, on n’aura pas manqué de frémir en entendant la parole présidentielle confirmer les angoisses qui taraudent la société.

Curieuse attitude que celle de Nicolas Sarkozy. Jusqu’à la véhémence du ton qui trahissait les relents d’une colère quasi paternelle. "Comment, voilà que je m’absente et c’est le désordre ! " Il y avait un côté « Démerdez-vous » dans cette allocution. "Vous voulez du pouvoir d’achat ?

Travaillez davantage. "
Eh bien soit. Avouons-le, au risque d’aggraver mon cas aux yeux de certains lecteurs de ce blog, la remise en cause des 35 heures n’est pas pour m’effrayer. La France est paradoxalement le pays d’Europe où l’on travaille le moins et où la productivité horaire est la plus forte. La raison en est simple : en instituant les 35 heures, les socialistes espéraient pousser les patrons à embaucher. Ceux-ci ont préféré resserrer la porosité du travail Réaliser en 35 heures ce que l’on faisait autrefois en 39. Résultat, aucun emploi ou presque n’a été créé, mais on a poussé la lime un peu plus vite.

Si donc aujourd’hui, en conservant la même productivité, l’on revenait aux 39 heures, le pays produirait davantage. Les consommateurs, ayant retrouvé du pouvoir d’achat, grâce à l’augmentation de la durée du travail, achèteraient à tour de bras. Et ainsi, la France renouerait avec le cercle vertueux de la croissance.

Gros avantage de ce scénario : ce sont les entreprises, et non l’Etat, qui d’une certaine façon font l’avance de ce pouvoir d’achat.

Sur le papier, ça se tient. A un détail près. Pourquoi les entreprises augmenteraient-elles tout à coup leur production ? C’est bien beau de fabriquer des marchandises. Encore faut-il qu’il y ait de la demande.Or justement, celle-ci régresse, parce que le pouvoir d’achat baisse.
N’étant plus à la promesse d’une une exécution capitale près, je voudrais suggérer ici que les propositions du PS en la matière me semblent fondées, et pire, viendraient utilement compléter le dispositif proposé hier par le chef de l’Etat. La réintroduction de la TIPP et une baisse de la TVA – cet impôt dont on ne dénoncera jamais assez l’injustice – auraient le mérite de réamorcer la pompe de la consommation.

Quitte à être écartelé avant d'être conduit à la potence, j'ajoute qu'il est encore nécessaire diminuer le coût du travail pour que la mayonnaise prenne - Vade retro, Medef ! Oui, la part des cotisations sociales est trop élevée. Car si l’on veut que le redémarrage de l’économie s’accompagne d’un vrai recul du chômage – je ne parle pas de l’insupportable bidonnage auquel se livrent les gouvernements depuis 30 ans à grands coups de radiations des ASSEDIC, mâtinées de traitement social -, il faudrait peut-être commencer par s’aligner sur la moyenne européenne.

Mais justement, de l’emploi, il en a été peu question. Comme si ce n’était plus la clé de voûte de l’édifice social. De la croissance, de la sécurité, de l’intégration…
Faut-il encore le rappeler ? La misère et le chômage sont le terreau de la voyoucratie. Cette évidence, le président l’a balayée d’une formule qui se voulait assassine : « Quand on veut expliquer l’inexplicable, c’est qu’on s’apprête à excuser l’inexcusable ».

Et maintenant, circulez M'sieurdames!
Raccourci hallucinant de bêtise. Comme si l’on ne pouvait concevoir, à la fois, que la place des voyous est en prison et que la misère soit un facteur de délinquance. Comprendre l’origine d’un un phénomène ne signifie certainement pas acquiescer à celui-ci ,ou même en atténuer la portée. A ce compte là, il faudrait, par exemple, s’interdire de réfléchir sur la montée du nazisme. Et de manière générale sur toutes les saloperies qui ont jalonné l’histoire de l’humanité. Hormis la lecture de « Martine est partie de l’Elysée » ou » Oui-Oui fait du Yacht avec Vincent », on voit mal ce qui resterait accessible à un esprit curieux, sinon critique.
Ce propos n’honore pas le chef de l’Etat. Car de deux choses l’une : soit il y a un gène de la délinquance – on connaît les penchants du président pour ce registre depuis une interview à la revue Philosophie , soit celle-ci résulte d’une interaction entre des conditions sociales et une volonté individuelle.

Entendons-nous. Le déploiement policier à Villiers-le-Bel était nécessaire et légitime. Mais avant que la France ne devienne le premier fabriquant mondial de flash-ball – ce qui ne suffira pas à relancer la croissance – il conviendrait de casser la machine à fabriquer de la voyoucratie.
Sous cet angle, une politique de l’emploi est aussi une politique d’ordre public. Et elle porte bien plus loin qu’une grenade lacrymogène. Oublions un instant les bons sentiments et les considérations philosophiques sur la dignité que confère le travail : si tous les émeutiers de Villiers-le-Bel avaient été contraints de se lever tôt pour aller bosser, on n’aurait déploré, au pire, que la combustion de quelques poubelles.

Cette perception utilitariste devrait suffire à ébranler le président. Libre à lui de refuser de penser le monde. Le ministre de l’intérieur qu’il fut concevra, en revanche, que le rétablissement de la paix civile passe par là. Le reste n’est que cosmétique.

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