samedi 8 décembre 2007

RACHIDA DATI SUPERSTAR

RACHIDA DATI SUPERSTAR
La ministre de la justice est sur tous les fronts : « Bakchich » a enquêté sur sa communication, ses réseaux et ses ambitions…
« C’est vrai, admet en souriant Brice Hortefeux face à un proche, Rachida Dati n’est pas souvent dans son ministère ». Il est clair que le ministre de l’Immigration n’a pas pour Rachida Dati les yeux de Rodrigue. Lors de la formation du gouvernement, Hortefeux et son ami Devédjian n’avaient pas l’onction de Cécilia ; l’un et l’autre ont raté le coche, à savoir le ministère dont ils rêvaient : l’Intérieur pour le premier, la Justice pour le second. Tel n’est pas le cas de Rachida qui a obtenu, pour la première fois dans l’histoire des élites issues de l’immigration, un ministère régalien. Sarko avait incontestablement marqué un point.

Depuis, Rachida voyage, et elle voyage beaucoup, des États-Unis où elle passait ses vacances avec le couple présidentiel, au Maroc, de la Chine à l’Algérie, la ministre de la Justice accompagne le chef de l’État dans le moindre de ses déplacements. Au point que certains, dans son entourage, l’ont surnommé « la deuxième dame de France ». On a vu encore dimanche dernier, lors d’une émission sur LCI, à quel point elle épousait le discours de son Président. Interrogée sur les élections en Russie, Rachida Dati apportait une réponse convenue sur « la souveraineté » du peuple russe. Le lendemain, Sarko appelait Poutine pour le féliciter de ses succès électoraux.

Et quand Rachida ne voyage pas, elle communique. Ses conseillers, aussi bien son porte parole Guillaume Didier que sa chargée de presse Laurence Lasserre, encadrent, dans leurs bureaux respectifs, les Unes de Rachida dans les magazines en vue. Autant dire que pour la « cover » de Paris Match qui la montre, jeudi dernier, éclatante de bonheur, ses communicants ont du acheter des cadres en or massif. Voici deux mois, alors que la presse la titillait sur ses titres universitaires, ses proches s’inquiétaient de son déficit de communication. Son cabinet avait même joint l’ancien directeur du Monde, Jean-Marie Colombani, qui, bien que désavoué par sa rédaction, apparaissait comme un sauveur. Heureusement pour Rachida, Colombani qui venait de recevoir une mission sur l’adoption était trop sollicité. Mais c’est dire, à l’époque, le désarroi de l’équipe à la Justice.

Des réseaux qui penchent à gauche
« Mais vous savez, Rachida est une femme de gauche ». Cette confidence de proches conseillers de la ministre de la Justice force un peu le trait. Pour une magistrate dont le parcours a été favorisé à la fois par Simone Veil et le très pompidolien Albin Chalandon, inspecteur des finances et ancien président d’Elf, la gauche reste une terre de mission. Ce qui est vrai en revanche, c’est que Rachida Dati soigne, à l’instar de Sarkozy, l’ouverture aux opposants d’hier. Quelques avocats célèbres et trans-courants comme l’irremplaçable Paul Lombard, véritable ministre bis de la Justice, ou Gilles Jean Portejoie, humaniste de cœur et grand copain de Charasse, lui apportent leurs réseaux sur un plateau. « Je fais confiance à la garde des sceaux », explique Portejoie au Parisien, bravant la solitude au sein d’un barreau plutôt hostile à Dati. Admettons que cette hostilité de principe repose parfois sur de mauvaises raisons quand elle s’appuie sur la défense archaïque d’une carte judiciaire datant du 19ème siècle.

Le 5 novembre dernier au soir, les anciens du Ceres, qui fut l’aile gauche du Parti socialiste dans les années 80, se réunissaient au premier étage d’une brasserie chic du septième arrondissement. Brouhaha soudain au rez-de-chaussée, Rachida arrive avec ses supporters de ce quartier huppé parisien où elle a été parachutée, digne héritière de Frédéric Dupont, le candidat des douairières et des concierges. Quittant ses camarades un court instant, un conseiller d’État socialiste se précipite pour saluer la candidate. C’est que, en 2000-2002, Rachida Dati s’était rapprochée de la gauche gouvernementale. Du moins de Jacques Attali, qui l’a gardée au conseil de sa fondation, et d’Hubert Védrine qui aime le Maroc et la jeunesse. Dans les jours qui viennent, le choix du futur Procureur de Marseille sera un test intéressant. Le ministère de la Justice a le choix entre une UMP pur sucre, très liée aux milieux insulaires les plus claniques et un ancien patron du parquet anti-terroriste qui a eu certaines tendresses pour la gauche. À suivre !

Les temps ont changé, Rachida n’a plus grand complexe. Au point de guigner aujourd’hui un autre ministère, de rêver à un autre destin. « La pauvre, elle s’ennuie », confie à des journalistes la socialiste Maryse Lebranchu, qui devrait être reçue la semaine prochaine place Vendôme avec d’autres élus de gauche. Entre ses galas chez le milliardaire Bernard Arnault et ses échappées à l’étranger, la ministre trouve le temps long. Il est vrai que si elle avait reçu davantage d’élus locaux et de présidents de cour d’appel pour sa réforme de la carte scolaire, le temps lui aurait paru moins long.

Bakchich avait annoncé, voici deux semaines, qu’elle pourrait être nommée place Beauvau. France Inter vient également d’évoquer un tel scénario qu’elle a démenti mollement. Le 30 novembre, Nicolas Sarkozy s’adressait à quelques centaines de flics et de gendarmes à la Défense. Au premier rang, une Mam, patronne des flics, Morin, le ministre de la Défense, mais aussi Rachida, revêtue d’une charmante veste de cuir rouge. Un signe ? Pas sûr qu’elle ait fait grand effet sur l’auditoire. « Le seul uniforme qu’elle affectionne, explique un haut cadre syndicaliste, c’est celui de Dior ». Et un autre d’ajouter : « Si elle est nommée, ce sera Guéant le patron ». Ah bon, il ne l’est pas déjà ? Chirac avait nommé Michèle Barzach et Mitterrand choisi Edith Cresson. Toutes deux brillèrent, un instant, au firmament de la politique. Mais elles furent remerciées, faute d’avoir trouvé leur place. Il est urgent pour Rachida Dati de se trouver un vrai job.

Nicolas Beau

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