dimanche 9 décembre 2007

LA VISITE DE KADHAFI


PARIS
La visite officielle en France du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui commence lundi, suscite des critiques croissantes de l'opposition et des organisations de défense des droits de l'homme.

Des personnalités socialistes ont souligné que le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, était impliqué dans des affaires de terrorisme et ont critiqué le tapis rouge qui va être déroulé en son honneur lors de son séjour de cinq jours.

L'organisation Amnesty international a appelé le président Nicolas Sarkozy à se préoccuper des droits de l'homme en Libye, mentionnant plusieurs affaires précises.
Elle cite parmi d'autres le cas de Fatih el-Jammi, opposant "arrêté une première fois en 2002 et réincarcéré depuis mars 2004 pour avoir critiqué le président Kadhafi et appelé à des réformes politiques". Elle a demandé aussi au président français de condamner les propos tenus vendredi par Mouammar Kadhafi à Lisbonne, où il estimé qu'il était "normal que les faibles aient recours au terrorisme".

"Ces propos inacceptables, révélateurs de l'état d'esprit du dictateur, doivent être dénoncés vigoureusement par le président Sarkozy", demande Amnesty.
Ces critiques et ces appels rejoignent ceux de Ségolène Royal, ex-candidate PS à la présidentielle et du centriste François Bayrou vendredi. Au sommet euro-africain de Lisbonne samedi, Nicolas Sarkozy n'a pas répondu à ces demandes mais il a en revanche croisé une première fois le colonel Kadhafi et en a profité pour lui exprimer ostensiblement son amitié.

On a pu le voir lui serrer la main en arrivant dans la salle de conférence et l'entendre lui déclarer en français en lui prenant les mains : "Je suis très heureux de vous recevoir à Paris", propos immédiatement traduits.

UN "TERRORISTE" POUR BADINTER
A Paris, l'UMP a diffusé vendredi soir un communiqué où elle appelle au "respect" du dirigeant libyen et demande "plus de mesure aux professionnels de l'indignation".
Le "Guide" libyen va planter sa traditionnelle tente de bédouin, qu'il emporte partout avec lui, dans les jardins de l'hôtel Marigny, réservé aux hôtes de marque à côté de l'Elysée pour un programme officiel encore flou mais avec la perspective d'importants contrats commerciaux pour la France.

Selon son fils Seïf al Islam, la Libye, pays producteur de pétrole, va acheter des Airbus "pour plus de trois milliards d'euros" et négocie l'acquisition d'avions militaires Rafale, que Paris n'a jusqu'ici jamais pu vendre à l'étranger. Il est aussi question d'un réacteur nucléaire.

La visite intervient après celle de Nicolas Sarkozy à Tripoli le 25 juillet, quelques jours après la libération par la Libye de cinq infirmières bulgares et d'un médecin palestinien accusés pendant plus de huit ans d'avoir inoculé sciemment le virus du sida à des enfants en Libye.

Robert Badinter a rappelé sur RTL cet épisode qu'il qualifie de "prise d'otages judiciaire" et souligné le passif du dirigeant libyen. "Il faut bien le dire, le colonel Kadhafi, c'est un terroriste, c'est un homme qui s'est inscrit dans l'Histoire comme responsable d'un nombre important d'attentats terroristes", a-t-il dit. La responsabilité de Tripoli a été reconnue par la justice française dans l'attentat de septembre 1989 contre un DC-10 d'UTA, qui avait fait 170 morts au-dessus du Ténéré (Niger), a-t-il souligné. Il n'est pas exclu que la visite relance ce dossier où six hommes, dont le beau-frère de Mouammar Kadhafi, Abdallah Senoussi, ont été condamnés à perpétuité par contumace. Seïf al-Islam a en effet annoncé samedi au Figaro que Tripoli demande désormais un nouveau procès pour ces "innocents".

Pour le député PS Pierre Moscovici, qui préside une commission d'enquête parlementaire sur le rôle de la France dans l'affaire des infirmières bulgares, la visite de Kadhafi à Paris est en fait la véritable contrepartie à leur libération.

"Le chef de l'Etat libyen est reçu dans une grande capitale occidentale, il est réintroduit à un très haut niveau dans la communauté internationale en étant ainsi adoubé par la France", déclare Pierre Moscovici au Monde de dimanche.
Source Reuters

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