Photo Ange Sorrentino
C’est donc avant tout comme enseignant que je participe aujourd’hui à la manifestation (et à la grève) pour exprimer mon inquiétude face à la loi Pécresse.En effet, si je suis le premier à dénoncer une Université gravement malade (paupérisation globale, sous-équipement, sous-encadrement, sélection plus sociale que scientifique…), la réforme qu’on nous impose risque fort de tuer le malade. Sous couvert d’autonomie et de pseudo responsabilisation.Ainsi, le principe de collégialité dans la gouvernance est clairement remis en cause.
Le Président disposera de pouvoirs exorbitants, dont ceux de recruter qui bon lui semble ou d'accorder des primes à certains de ses "employés" (qui ne seront plus des collègues à proprement parler). Les commissions de spécialistes propres à chaque discipline et actuellement chargées de la sélection des candidats aux postes d'enseignants-chercheurs, seront supprimées et remplacées par des commissions ad hoc dont les membres seront nommés par le Président, ce qui conduira immanquablement à une régression tant sur le plan démocratique que scientifique.Quant à l'autonomie proclamée, c’est avant tout une autonomie de gestion.
Elle amènera l'Université à adopter des pratiques purement managériales, parmi lesquelles un recours toujours plus important à la contractualisation des personnels. Cette contractualisation permettra ainsi à des Universités en difficulté budgétaire (bien peu ne le seront pas) de recruter des enseignants-chercheurs pour des contrats courts, de la durée d'un module d'enseignement par exemple. Dans ces conditions, on voit mal comment des enseignants-chercheurs à temps partiel pourraient délivrer un enseignement de qualité. Les étudiants en souffriront, tout comme ils souffriront de l'augmentation inéluctable des frais d'inscription, corollaire de la gestion "nouvelle formule" des Universités.
S'il peut paraître légitime d'ouvrir le débat sur la nécessité ou non de sélectionner les étudiants sur des critères académiques, par exemple pour les filières surchargées et n'offrant que peu de débouchés professionnels, il est inacceptable que l'accès au savoir et à la culture soit limité par les ressources des étudiants et de leurs familles.Enfin, la loi prévoit le financement des Universités par les entreprises, dont les représentants siègeront au Conseil d'Administration.
On voit mal comment les Universités pourront, dans ces conditions, décider librement de leur politique scientifique et d'enseignement. Mais la loi a réponse à tout, puisque, de toute façon, le Conseil Scientifique de l'Université verra ses missions réduites comme peau de chagrin.Comme si cela ne suffisait pas, cette mise au pas s'accompagne de la volonté du gouvernement de ne financer significativement que quelques pôles universitaires en France, en laissant aux autres les premières années d'enseignement jusqu'à la licence seulement.Qui peut affirmer que Nice, malgré ses nombreux laboratoires scientifiques de pointe, fera à coup sûr partie des cinq ou six grands pôles financés?
C'est pourquoi, quelle que soit l'issue de la réforme, nous devons faire de Nice une véritable ville universitaire et pas seulement une ville avec une Université. C'est justement l'un des axes majeurs de notre réflexion et l'un des points forts de la Charte de Nice Autrement.
Publié par Patrick Mottard
http://www.patrickmottard.blogspot.com/
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