mardi 25 mars 2008

LES PIGEONS DE BARTOUMIEU

Bartoumiéu serait mourant. Certains m’ont dit, même, qu’il était mort ! Fanette celle qui sert le pain à la boulangerie raconte qu’il serait mort. Il serait mort dans son pigeonnier. On l’aurait retrouvé tombé, allongé de tout son long.

C’est vrai que depuis un bon moment je n’avais pas eu de nouvelles de Bartoumiéu. Bartoumiéu c’était mon ami. Il me racontait des histoires de pigeons. Il portait un chapeau de feutre à larges bords, une ceinture de flanelle grise et une moustache jaunie par le tabac. Il vivait tout seul depuis que Faustina était passé de vie à trépas. Bartoumiéu avait la dernière fois que je l’ai vu quatre vingt ans trois ans, il habitait tout seul dans la maison que lui avait léguée ses parents, en dehors du village de Saorge.

C’était une vieille maison à étage, une maison un peu bourgeoise, une maison étoffée, bien construite avec des pierres de taille. Bartoumiéu était le dernier d’une famille de bons paysans. Souvent, lorsque je lui rendais visite, nous parlions de la guerre d’Algérie, de la DS 19, la nouvelle voiture de Citroën et nous buvions assis sur une chaise de la cuisine, un pastis issu de sa fabrication.
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Pour Bartoumiéu les informations s’étaient arrêtés en 1960. La cuisine était vaste, une cheminée immense trônait sur le milieu. Il y avait encore dedans un chaudron maculé de suie. Le plafond souillé par la fumée n’avait plus de couleur. Quatre chaises, en paille crasseuse encadraient une table de bois brut recouverte d’une toile cirée aux décors champêtres.
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La seconde pièce servait de salle à manger et sentait le tabac froid. La table était immense. Au dessus de la poussière, un chemin de table en lin crocheté courrait d’un bout à l’autre. Un vase ébréché attendait désespérément de recevoir des fleurs, comme autrefois. Une tour Effel posée sur un socle en marbre faisait office, de thermomètre. Notre Dame de Lourdes était ensevelie dans une sphère d’eau bleutée. Il neigeait lorsqu’ on la secouait. Cela faisait rire Bartoumiéu. Il disait que c’était un miracle. Un canapé était enseveli sous des piles de linge. Au mur des vieilles photos de communiants et de mariés rappelaient un passé lointain.
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Dans une autre pièce, qui servait de débarras, étaient accumulés des objets insolites. Un moulin à café, des cages à oiseaux, une vieille pendule qui ne marchait plus, une paire de bottes, des cisailles, des chaises bancales et un vieux lit en fer rouillé gisaient à même le sol. . Le plafond s’était fendu et des fils électriques pendaient. Je n’ai jamais vu la chambre de Bartoumiéu.
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Mais Bartoumiéu savait des tas de choses et, par-dessus tout, il aimait ses pigeons. Des « Florentins » originaires d’Italie avec une tête forte, bien arrondie. Des yeux rouges orangés, vifs comme l’éclair. Le plumage n’était pas très dense mais bien serré. Ils étaient beaux les pigeons de Bartoumiéu. Il en avait une bonne cinquantaine dans son pigeonnier. Il en avait aussi dans les marronniers, et dans les grands arbres prés de la maison.
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C’était vrai! Bartoumiéu est mort comme ça, d’un coup, d’un coup sec, tombé de tout son long dans son jardin. Et les pigeons, sans rien dire à personne, avaient emporté son âme jusqu’au ciel, dans une gloire d’ailes dorées. On dit qu’ils l’ont conduit bien au dessus des nuages, bien plus haut que le soleil. On dit aussi, que là-haut, on rencontre parfois un vieux monsieur aux cheveux blancs qui porte un chapeau de feutre à larges bords, une ceinture de flanelle grise et une moustache jaunie par le tabac.
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Ségurano

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