samedi 29 mars 2008

LE REPAS D’ENTERREMENT

Il pleuvait, il faisait froid en ce mois de mars 1958. Dans le cercueil de chêne ciré on a mis pépé avec ses 93 ans. Pépino n’a même pas eu droit à l’extrême onction, le curé n’était pas la. Par dessus le couvercle une plaque avec son nom et un crucifix pour qu’on le reconnaisse la- haut, au paradis. La chambre à coucher avait été transformée pour l’occasion en funérarium et le lit en catafalque. L’odeur des lys, des bougies et du camphre accentuait mon émotion.
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Zio Pio était arrivé de Florence par le train de onze heures. Mon père avait été le chercher à la gare avec la vieille Peugeot grise. Les autres, venus de Vintimille et de San Remo avaient fait le voyage en car.
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Tout le monde était venu aux funérailles de Pépino. De prés ou de loin, tous étaient venus. Il faut vous dire que Pépino était très aimé. Jusque là dans ma vie, j'avais été épargné de la douleur, cette douleur qui fait tourner la tête et ouvre le vide à l'intérieur.....
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Epargné, ou assez fort pour la supporter. Assez fort, pour avoir encore de la place pour prendre la douleur des autres, l'accepter, la partager, pour les soulager le mieux possible. Cette fois, c'était le contraire. La cérémonie se déroula dans l’église de Bon voyage, bien trop petite pour l’occasion. Le corbillard, croulant sous d’innombrables gerbes, se fraya tant bien que mal un chemin et pris la direction de cimetière de l’est. Quelques pelletées de terre mirent fin à la cérémonie. De retour à la maison nous parlions de Pépino, de tout et de n’importe quoi.
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Dans la cuisine les femmes préparaient le repas. C’est drôle d’avoir faim le jour d’un enterrement. Des odeurs de sauce bolognaise parcouraient la maison. Toute la famille réunie se racontait des souvenirs, on arrivait même à rire pendant le repas. Un repas de famille dans un contexte particulier, mais ce repas dans ce cadre mortuaire n'était pas forcément triste.
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Finalement on passe une bonne soirée. On se dit ensuite c'est normal, Pépino avait un bel age. On se dit aussi que Pépino c'était un bon vivant, il aurait bien aimé ce repas il aurait bien aimé nous voir rire.
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On trouve plus de monde aux enterrements qu'aux mariages, c'est la seule occasion qu'ils ont de se revoir depuis des années. C’est peut être pour cela qu’ils font un bon repas.
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Ségurano

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