lundi 29 octobre 2007

PEYRAT JOUE LES TRUBLIONS

A Nice, Peyrat le trouble-fête, seul écueil sur la route d’Estrosi.
Le maire sortant, 76 an, s’accroche malgré la candidature du ministre.

Candidat déclaré à la mairie de Nice, en route vers un triomphe attendu face à une gauche en pleine déliquescence, le secrétaire d’Etat (UMP) à l’Outre-Mer, Christian Estrosi, n’a plus qu’un souci : l’actuel occupant des lieux. Après deux mandats consécutifs, Jacques Peyrat (UMP, ex-FN), rêve de se représenter, car il se sent toujours vert, malgré ses 76 ans. Peyrat est seul, mais il résiste, au point que Nicolas Sarkozy le reçoit aujourd’hui à l’Elysée, dans l’espoir de lui faire rendre les armes.

En bon avocat, l’ancien para plaidera une cause perdue : la sienne. «On ne me dira pas “cou-couche panier”», avait-il indiqué, bravache, à Nice-Matin, début octobre. Ajoutant : «Ceux qui pensent que je vais négocier ma sortie contre mon renouvellement au Sénat se trompent.» Mourir sabre au clair, pour l’honneur ? «C’est un soldat, dit-on dans son entourage. Ce n’est pas le genre de combat qui lui fait peur.» Osera-t-il ? Lui seul le sait. «Il paraît qu’on veut ma peau. Il faudra venir la prendre», avait-il lancé, en septembre.
Epouvantail.

Au moins, son baroud insuffle un peu de suspense. Parce que sinon l’équation se résume à cela : Estrosi va-t-il gagner au premier tour ? Seul Peyrat, peut-être, pourrait l’en empêcher... Ce qui ne serait pas pour lui déplaire. Mais, à Nice, le paysage a changé. Il fut un temps où la gauche montait. En 2001, avec Patrick Mottard comme tête de liste, elle talonnait Peyrat de 3 500 voix, à peine deux points de retard. Et elle gagnait la moitié des cantons sur la ville grâce, notamment, à l’effet repoussoir du maire : entre son caractère autoritaire, ses idées restées au FN et les affaires judiciaires entourant l’hôtel de ville, il y avait de quoi nourrir le moulin du PS. Hélas pour la gauche, Peyrat ne peut plus servir d’épouvantail. Même s’il se présente, il risque de ne pas aller bien loin.

Privée de son meilleur argument, la gauche en rajoute, jouant suicide mode d’emploi. Prenez deux Patrick, jetez-les l’un contre l’autre, et vous faites rigoler toute la droite. Patrick Allemand est la tête de liste officielle du PS ; Patrick Mottard, qui se voyait en «candidat naturel, légitime», part en dissidence. C’est la guerre des deux Patrick, où plus rien ne compte que le désir d’éliminer l’autre. Chaque Patrick sait où ça finira : dans le mur. Pour gagner, dans une ville où «le rapport droite-gauche, c’est deux tiers-un tiers», comme le rappelle Mottard, se diviser, c’est perdre, et c’est la tactique de la gauche.

Pourtant, elle aurait des arguments à faire valoir, face à Estrosi. A 52 ans, l’ancien champion moto qui suce la roue de Sarkozy se campe en candidat de «la rupture», après les années Peyrat. Pour donner corps au «changement», Estrosi décrit «une ville qui s’est perdue», qui vit «l’espérance du sursaut, du renouveau», et rêverait d’un maire «ouvert aux autres, à la différence, à ceux qui ne pensent pas comme lui» : l’anti-Peyrat.

Il y a là de l’entourloupe. Car Estrosi a toujours soutenu Peyrat. Et le système qu’il dénonce, il y est né, y a été élu, pour la première fois avec Jacques Médecin en 1983, et l’a ensuite porté. «Estrosi, c’est le candidat du système ! martèle Allemand. Le système a peur que Peyrat ne soit pas en capacité de garder la ville. Donc, il considère Estrosi comme le sauveur.» Tous les élus UMP lui ont d’ailleurs sauté dans les bras.

Autre crainte, émise par Patrick Mottard : le «verrouillage». «Tout contrôler, retourner au système Médecin, placer un homme de paille au conseil général», qu’Estrosi préside et qu’il serait contraint de quitter. Proche du secrétaire d’Etat, le député (UMP) Eric Ciotti rétorque : «Si les électeurs donnent les responsabilités à Christian Estrosi, c’est de la démocratie, pas du verrouillage.»

Eric Ciotti réfute aussi les critiques sur un futur cumul des mandats de maire et de secrétaire d’Etat : «Ce dont souffre Nice, depuis Médecin, c’est d’être coupée des cercles de décision nationaux. Il faut faire retourner Nice dans la communauté nationale. Tous les grands maires ont cumulé des responsabilités nationales.»

Reddition. A cinq mois du scrutin, la droite est tonitruante. «Rien ne peut entraver la marche de Christian Estrosi ! assure la députée UMP Muriel Marland-Militello. Surtout que sa candidature freine l’ambition d’un tas de gens à droite.» Le centriste Rudy Salles est prêt à remballer sa propre candidature : «Nos électeurs ne comprendraient pas qu’on s’affronte», dit le député du Nouveau Centre qui, comme prix de sa reddition, négocie la future présidence de la communauté urbaine. Il ne reste plus qu’à convaincre Peyrat. C’est le boulot de Nicolas…


Article écrit par
MICHEL HENRY
(envoyé spécial à Nice)


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